Les microbiotes
Un microbiote est un ensemble de micro-organismes vivant dans un écosystème donné.
" Le microbiote de l'organisme humain, anciennement dénommé flore microbienne de l'organisme humain, est l'ensemble des bactéries, microchampignons et autres micro-organismes que le corps humain contient en grand nombre " (Wikipédia).
Le microbiote respiratoire
Les origines du microbiote pulmonaire
La colonisation des voies respiratoires commence très tôt dans la vie, dès les 1ères minutes après la naissance. D'après certains chercheurs, elle pourrait même être anténatale. Des recherches sur le microbiote pulmonaire néonatal ont montré des disparités précoces entre les enfants nés par voie naturelle et ceux nés par césarienne. Ainsi, le mode d’accouchement influencerait la composition du microbiote des voies respiratoires observée après une semaine de vie (tout comme il influence le microbiote digestif).
" La composition des communautés microbiennes pulmonaires est multifactorielle et dynamique tout au long de la vie. Parmi les facteurs qui pèsent le plus dans la balance microbienne, trois composantes principales ont été identifiées : les entrées, les sorties et les facteurs intrinsèques pulmonaires."
Entrées
- inhalation de l’air ambiant (peut contenir à lui seul environ 100 000 bactéries par litre d’air +/- vecteur de champignons et de virus). " L’environnement direct du sujet est donc d’une grande importance dans la colonisation des poumons et la variabilité de l’exposome (totalité des facteurs environnementaux depuis la naissance) pourrait expliquer en partie la variabilité du microbiote pulmonaire."
- réservoir bucco-dentaire
- estomac (" réservoir potentiel de bactéries capables de coloniser les poumons, notamment par le biais de microaspirations ou de reflux gastro-œsophagiens qui peuvent venir enrichir le microbiote pulmonaire à la séparation des deux bronches souches gauche et droite ").
Sorties
- élimination mécanique (toux)
- processus cellulaires de "nettoyage" par remontée du mucus (défenses immunitaires locales et action des cellules ciliées)
- compétition entre les différents micro-organismes colonisant les voies aériennes
Facteurs intrinsèques pulmonaires
" les micro-organismes résidents doivent s’adapter à différentes conditions comme la concentration en oxygène, les défenses de l’hôte, les traitements antibiotiques, la température, les nutriments présents ou encore le pH qui sont également susceptibles d’évoluer dans certaines pathologies "
Ainsi, le microbiote pulmonaire est " le résultat d’une équation complexe entre les « entrées » et les « sorties », auxquelles s’ajoutent les conditions pulmonaires in situ qui sélectionnent les espèces les plus adaptées. "
La composition du microbiote pulmonaire
Les bactéries du microbiote pulmonaire
" Le tractus respiratoire représente une véritable porte ouverte sur notre environnement, d’une surface d’environ 50 à 75 m². Il est important de souligner sa diversité anatomique (trachée, bronches, bronchioles, sacs alvéolaires, etc.) à laquelle correspond une véritable géographie pulmonaire avec son propre écosystème (biogéographie) dont la complexité est accentuée par la variabilité des conditions intrinsèques évoquées précédemment (...)."
" Chez le sujet sain, la charge bactérienne pulmonaire est bien inférieure à celle de l’intestin et varie de manière importante d’un individu à l’autre. "
" Si la densité et la richesse du microbiote pulmonaire sont moindres que celles du microbiote intestinal chez le sujet sain, sa diversité est, en revanche, supérieure (...), ce qui peut expliquer sa capacité de résilience (de résistance et de récupération) importante."
Les autres micro-organismes
" En plus des bactéries, tous les autres domaines du vivant ont été décrits au sein de l’écosystème pulmonaire. " (champignons et levures, virus, ... et même des archées ou microorganismes unicellulaires non bactériens capables de vivre dans des milieux extrèmes). " Chez le sujet sain, les principaux champignons pulmonaires observés sont ubiquitaires (présents partout) (...). "
Champignons
L’un des principaux réservoirs des champignons dans le microbiote pulmonaire reste l’air ambiant qui contient un grand nombre de spores de ces champignons ubiquistes. " Certains auteurs ont montré que la composition fongique du microbiote intestinal est plus variable dans le temps que la part bactérienne de ce dernier. Il pourrait en être de même pour le microbiote pulmonaire. Le mycobiote semble être particulièrement influencé par le régime alimentaire, l’environnement et le statut immunitaire du sujet étudié. Enfin, les champignons commensaux ne seraient pas uniquement capables d’agir sur le système immunitaire de l’hôte, mais pourraient également jouer sur la résilience du microbiote bactérien après un traitement antibiotique. "
Virus
Les virus retrouvés sont majoritairement des virus " bactériophages (infectant les bactéries couramment retrouvées au niveau pulmonaire (...) ainsi que de virus infectant les cellules eucaryotes (avec un moyau). " Les types de virus présents varient " en fonction des individus " et sont " très sensible à la saisonnalité " .
Archées (Archaea)
" Ces dernières sont connues majoritairement pour être retrouvées dans des conditions de vie extrêmes (...). Des archées ont été identifiées et isolées de sites anatomiques humains (...) dans le tube digestif, (...) dans la cavité buccale (et aussi sur la peau). La plupart des archées humaines détectées sont des méthanogènes (elles produisent du méthane comme sous-produit métabolique de la vie en situation de manque d'oxygène). Aucune archée pathogène n’est recensée à ce jour."
Les fonctions du microbiote pulmonaire
" Le microbiote est fondamental dans l’homéostasie pulmonaire (capacité à maintenir l'équilibre) ", il joue un rôle de barrière écologique, il est impliqué dans l'immunité et joue participe à l'architecture des poumons (alvéoles).
Importance de l’axe poumon-intestin
" Les manifestations respiratoires (bronchite chronique, dilatation des bronches) sont fréquentes dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. A l’inverse, l’effet protecteur du microbiote digestif est reconnu dans les infections respiratoires."
" Le microbiote intestinal aurait une action à distance sur l’écosystème pulmonaire potentiellement dépendante de l’hématopoïèse (1). On comprend ainsi que toute dysbiose (2) intestinale pourrait avoir des conséquences sur l’homéostasie pulmonaire. A l’inverse, toute action de restauration du microbiote digestif (par la nutrition et/ou l’utilisation de probiotiques) pourrait constituer un levier d’action sur la santé respiratoire. "
Conclusion
" La notion de microbiote pulmonaire est encore récente. Les données recueillies en conditions physiologiques ou pathologiques ont révélé la complexité de cette nouvelle entité caractérisée par sa grande biodiversité. Les pathologies respiratoires chroniques où l’inflammation domine présentent un dénominateur commun, la dysbiose (2) pulmonaire. "
Pr Geneviève Héry-Arnaud, professeur des Universités, enseignant-chercheur en bactériologie à la Faculté de Médecine de Brest et praticien hospitalier au CHRU de Brest (France), qui dirige le groupe « Microbiota » au sein de l’unité INSERM UMR1078 à Brest. Ses activités de recherche portent sur l’écosystème respiratoire dans le cadre des infections bactériennes et virales en pathologies chroniques et aiguës.
Paru en mars 2020 dans La Revue des Microbiotes
(1) fabrication des cellules sanguines à partir d'une cellule souche. NB: la moelle osseuse ne serait pas la seule à produire les plaquettes sanguines, ce serait même au niveau des poumons que se ferait la majeure partie de la production, les poumons fourniraient même la moelle osseuse en cellules souches... Ainsi les poumons seraient un réservoir de cellules souches hématopoïétiques (paru sur futura-science.com en 2017 => https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-etonnant-poumons-produisent-cellules-sanguines-66795/)
(2) déséquilibre du microbiote